Introduction scientifique : Médecine personnalisée et hématologie

Depuis quelques années le paradigme du traitement des patients atteints d’hémopathies malignes (« cancers du sang ») a changé.


La stratégie thérapeutique classique des cancers consiste à éliminer les cellules tumorales par des moyens qui prennent en compte les caractéristiques anatomiques et microscopiques de la tumeur. Parmi les moyens classiques de traitement du cancer, figurent au premier plan la chirurgie, la radiothérapie et la chimiothérapie anti-cancéreuse dite conventionnelle. Mais ces moyens n’utilisent que de façon peu spécifique les particularités biologiques du cancer, elles mêmes liées aux altérations génétiques et épigénétiques acquises par les cellules cancéreuses et aux modifications de leurs échanges avec les cellules de l’environnement tumoral et plus généralement, avec l’organisme.

 

Si l’utilisation des méthodes thérapeutiques classiques reste indispensable dans la plupart des cas, elle tend à être complétée, (voire remplacée dans des cas qui restent rares, mais dont le nombre est croissant), par l’utilisation de médicaments qui vont modifier les réseaux génétiques et moléculaires des cellules tumorales « recablage» ou « rewiring ») afin d’entrainer leur disparition ou une maladie résiduelle minime compatible avec les défenses naturelles de l’organisme. Ces thérapeutiques dite «ciblées » font l’objet de recherches intensives en cancérologie,

hématologie. Le premier traitement ciblé a été inventé au sein du campus Saint-Louis dans une coopération avec l’Université de Shangai.


La pratique d’examens biologiques permettant aux patients de bénéficier des thérapies ciblées a augmenté de façon importante en France (30% environ entre 2008 et 2009), ce qui constitue un indicateur indirect de la place majeure qu’occuperont les thérapies ciblées dans l’avenir.

 

Une analyse récente des cibles fonctionnelles des thérapies ciblées du cancer a identifié les caractéristiques majeures des cellules tumorales et de leur environnement susceptibles de bénéficier d’une intervention thérapeutique :

Ce schéma dépeint les principales caractéristiques des cellules tumorales et cite les strat thérapeutiques correspondantes (Hanahan and Weinberg, Cell, 2011, Mar 4, 144(5) :646-74)

Ces thérapeutiques restent toutefois encore imparfaites quant aux résultats à long terme, à l’exception de la stratégie de dégradation de la protéine de fusion pml-rara, développée au sein du Campus Saint Louis et de l’Université de Shanghai, stratégie qui aboutit à la guérison d’un nombre considérable de patients atteints d’une forme très particulière de leucémie (de Thé and Chen, Nat Rev Cancer,2010 Nov ;10(11) :775-83.). Dans les autres cas des mécanismes de résistance apparaissent, liés à des mutations des cibles ou d’acteurs moléculaires liés à leurs fonctions (responsables de phéno-copies), à la sélection de sous-clones insensibles à la thérapeutique ou encore à la présence de cellules propagatrices de la tumeur ne possédant pas l’anomalie moléculaire ou fonctionnelle ciblée par le traitement. En outre, si des centaines de nouvelles voies de signalisation potentielles sont actuellement identifiées dans le monde entier, le processus de développement de nouvelles thérapeutiques ciblées s’avère encore long, coûteux et aléatoire.

 

Des efforts considérables de recherche et de développement restent donc à mettre en oeuvre. Le Campus Saint-Louis souhaite s’inscrire dans cette démarche en abordant certains des aspects fondamentaux de l’onco-hématologie liés à l’hétérogénéité tumorale et aux cellules souches tumorales (Visvader, Nature, 2011, 469, 314-322) (WP2) et en développant des plateformes d’interface pour le partenariat Public-Privé (WP3).

 

Le premier workpackage (WP2 : Find) comporte quatre programmes de recherche cherchant à explorer une notion clé : en quoi l’hétérogénéité cellulaire d’une leucémie, témoignant d’une pression de sélection vis à vis de génomes et épigénomes diversement instables, interfère avec la capacité des cellules de se comporter comme des éléments « propagateurs » de la maladie ? De la réponse à cette question, dépend les stratégies thérapeutiques vis à vis de la prévention initiale des rechutes. 1) Existe-t-il des cas où une seule anomalie est à la fois initiatrice et propagatrice de la leucémie ? le modèle de la leucémie aigues promyélocytaire le suggère, donnant un sens à la dégradation (même temporaire) de la protéine oncogénique en cause dans la leucémie comme solution thérapeutique (H. de Thé). 2) Dans d’autres hémopathies, la diversité clonale est la règle et l’identification des événements porteurs du potentiel de rechute est critique (J. Soulier et François Sigaux). 3) Enfin, peut-on mieux définir le concept de cellule souche leucémique notamment dans une situation où la progression tumorale est la règle ? (D. Bonnet et C. Chomienne).

En complément de ces programmes de recherches, ce workpackage prend en compte également les investissements réalisés sur les plateformes technologiques de l’IUH, supports de ces programmes de recherche : la plateforme d’imagerie optique Intravitale et la plateforme de haute sécurité L3 du bâtiment Jean-Bernard.